Comment escalader une falaise à vélo ?


Par Guillaume Rodellas
22 juin 2023

Arrrh !

“Dépêche toi de prendre la photo. J’ai les abdos en compote et je tremble comme un vibromasseur”

Cela faisait maintenant quelques temps qu’une idée bête n’était pas sortie du chapeau de l’équipe Captain Wild. Il nous fallait pourtant une bonne excuse pour remettre le couvert.

La dernière photo réalisée avait laissé des traces. Le canapé en mode portaledge (tente de falaise). Ce bon vieux cliclac acheté sur le bon coin avait failli s’ouvrir en pleine paroi lorsque que Gui, le troisième de la bande, s’était délicatement assis de tout son poids.

Le souvenir du bruit grinçant des cordes qui se tendent, les ressorts des coussins qui couinent et… la vue exceptionnelle de la falaise rocheuse de la Chambotte au dessus du Lac du Bourget, Aix-les-bains. Un de nos plus beaux souvenirs de « bêtises Outdoor ». Il fallait remettre le couvert mais avec une idée toute aussi ambitieuse !

Quand on se lance dans ce genre de défi, l’idée doit surgir et faire l’unanimité. Justement, nous étions en pleine création de nos séjours vélo, et le sujet tournait principalement autour de la taille des roues et de la VMA de chacun. Il fallait frapper un grand coup pour sortir de l’hiver et remonter en selle. C’est là que le projet vélo-falaise est tombé.

Accrocher un tandem en pleine paroi, pour représenter le vélo dans sa globalité. Le VTT, l’Itinérance et Cyclisme sur une même image, saupoudré du grain de folie Captain Wild.

Un projet comme celui-ci s’imagine autour d’une bière fraîche artisanale du beau-père, la Brasserie Interstellaire du Devoluy (on fait un peu de pub pour la famille). Puis il faut se mettre en ordre de marche :

  • Trouver un photographe ? Facile, c’est Antoine Mesnage. Le highliner Annécien et copain d’aventure. Il nous avait déjà régalé avec les photos du canapé. Le type sait gérer le vide et la photo en même temps
  • Trouver un spot ? Fat Map pour trouver une falaise avec une vue imprenable, mais accessible pour monter un vélo, et du recul pour le photographe. Les vrais reconnaitront le spot.
  • Trouver un tandem ? C’est plus sympa d’être à plusieurs. Un coup de Bon Coin et on s’aperçoit qu’il y a un paquet de fonds de granges d’agriculteurs qui regorgent de pépites.
  • Trouver un système d’accroche sécurisé ? Bah ça c’est notre spécialité. Après 2/3 tests réalisés sur les murs du bureau, on était calé sur le principal.
  • Trouver un créneau météo ? Il nous fallait un coucher de soleil pour des lumières chaudes, se caler avec le planning de tout le monde après boulot, le tout entre 2 nuages.
  • Trouver une équipe logistique ? Y a qu’à lever le petit doigt et tout le monde a envie d’aider pour regarder quelques gignolos gigoter au bout d’un corde, le lac d’Annecy en fond.

 

Quand le jour J arrive, c’est l’excitation qui monte. Telle une expédition pour aller grimper un big wall en Patagonie, on étale le matériel au sol, on compte les mousquetons, les cordelettes sont lovées aux pontets du baudrier, on révise une dernière fois les manips…

Les premiers de cordées attaquent la face de grimpe par une voies sur la droite permettant d’accéder à un éperon rocheux d’environ 40m de haut. En haut du pilier, ça renifle les pitons, ça commence à prendre la température du projet. Les premières cordes stats sont balancées dans le vide. Le projet se précise.

En bas, je m’harnache avec mon compagnon de vélo et de connerie, Seb. Malgré mon assurance, je sens quelques doutes sur son visage, mais le type reste déter.

Le vélo s’envole dans les airs, c’est parti !

Il faut s’imaginer qu’une remontée de vélo sur corde n’est pas compliquée en soit. Le grimpeur descend en rappel vers le bas et tire avec son poids le vélo vers le haut. Un bloqueur au relai fait coulisser la corde en sens unique, évitant le retour au sol du vélo. Sauf que le guidon se bloque dans une faille.

Plan B, j’accroche une poignée sur une corde statique depuis le sol. Je commence à remonter à la force des bras le long du brin de 9mm de diamètre. On a beau être en fin de journée, le soleil tape fort et se réverbère sur la paroi. Je suis habillé en VTTiste enduro en je transpire plus qu’une glace au soleil.

Arrivé au niveau du tandem, j’essaie de débloquer la bête mais il pèse son poids le machin. On évite de s’emmêler avec les cordes, je me prends bien un ou deux coup de pédale dans les tibias, mais ça se décoince enfin. 

Le soleil commence à baisser dans le ciel, il faut accélérer.

J’arrive à l’endroit que nous avions repéré pour fixer l’engin. Nous sommes sur une voie d’escalade équipée de plaquettes pour accrocher normalement les dégaines (pas les vélos). Je prends une cordelette de mon baudrier que j’enroule autour de la fourche. Je clippe le mousqueton à la plaquette fixée à la paroi. Ca tient !

Le moment de vérité est là. 

Je me tends bien sur la corde. Je fais jouer mes ischios pour passer ma jambe au dessus de la selle. Mes deux pieds quittent le rocher, mes mains serrent les poignées, je pose les semelles sur les pédales rouillées du tandem … HOURRA, ça fonctionne !

Seb n’attend pas une seconde de plus. La montre est contre nous. Il arrive sous le vélo en remontant sur la corde. Il enfourche le siège arrière, s’attache sur le noeud « papillon d’alpinisme » pour doubler la sécurité.

Axel, est en haut de l’éperon rocheux et joue le perchman de cinéma. Il tient à bout de bras le flash juste au dessus de nos têtes. Avec Seb, on s’encourage et on se tend en arrière pour donner l’impression que nous pédalons à la verticale. Les abdos chauffent comme jamais au point de faire trembler toute la structure du vélo. Ça crampe, ça serre les dents… puis on entend le crie d’Antoine avec son appareil photo à droite de la falaise :

« ÇA SHOOT » 

Merci à toute la team pour le soutien sur ce projet

Harold et Eloi pour la logistique et backstage

Axel en tant que perchman du vide

Antoine Mesnage, bien évidemment pour les photos exceptionnelles

Seb pour m’accompagner dans ce genre de plan

Gui pour ton air dubitatif sur nos plans à la c**

Article écrit par Guillaume (l’autre de la team)

On pense déjà au prochain plan 😉